Le Sénégal mise sur sa diaspora pour développer la scène tech locale autant que les investissements. Ceux qu’on appelle « les repats » sont nombreux à s’impliquer pour le développement des relations économiques entre la France et le Sénégal. Bara Ndiaye, fondateur de l’Agence Multiservices Sénégalaises, est un de ses entrepreneurs qui vit en France et qui s’implique pour l’émergence de l’écosystème tech sénégalais.
Dakar croit au potentiel de sa diaspora. Et il faut dire que le gouvernement sénégalais n’hésite pas à mettre en place des politiques incitatives. C’est dans cet esprit que le parlement a voté le Sénégal Startup Act. Une quarantaine de lois a ainsi été validée par le parlement. Celle-ci prévoit notamment une exonération de charges et taxes pendant trois ans. Si ces mesures visent à rendre plus attractif le Sénégal vis-à-vis des entrepreneur·e·s, d’autres n’ont pas attendu ces décisions pour créer leur entreprise au Sénégal. Bara Ndiaye (en photo), ingénieur franco-sénégalais et fondateur de l’Agence Multiservices Sénégalaises, est un chef d’entreprise qui croit durement au potentiel du Sénégal. Son entreprise permet de recenser l’ensemble des activités privées et publiques nécessaires au bon fonctionnement des collectivités territoriales. « Il fallait proposer une plateforme qui regroupe plusieurs services dont les citoyens pourraient avoir besoin au quotidien », indique-t-il.
La diaspora numérise les services
Avec AMS : Bara Ndiaye nourrit une ambition : répertorier grâce au numérique l’ensemble des services qu’on peut trouver dans une ville. « Si un jour vous êtes à la plage, qu’un gamin se noie et qu’il faut appeler les secours : grâce à notre application, ils pourront trouver rapidement et géolocaliser le numéro de téléphone de la caserne de pompiers la plus proche » , explique cet ingénieur en informatique. Conscient de son potentiel, Bara Ndiaye l’a fait décliner en plusieurs volets avec une plateforme dédiée au consulting et une autre spécialisée sur le juridique qui verront bientôt le jour. 300 femmes et hommes de lois ont ainsi été recensés pour permettre à la population d’avoir accès rapidement à leurs services. « On défend l’idée d’un service public de proximité » , indique Bara Ndiaye.
Sa plateforme connaît le succès avec 10200 visiteurs uniques dont 8600 visiteurs uniques chaque mois, selon l’entrepreneur. Et ce n’est pas le Covid-19 et ses conséquences économiques qui freinent les ardeurs de la diaspora ou la tentation de l’investissement sur le continent africain: « le Covid-19 a mis en évidence les fragilités économiques en Europe. Mais l’Afrique, en l’occurrence le Sénégal, n’est pas un eldorado rêvé. J’ai vu beaucoup d’entrepreneurs venus d’Europe mettre la clé sous la porte et vouloir rentrer en France. Notre capacité de résilience a été mise à l’épreuve, pour nous comme pour les diasporas » , estime Frantz Champin – entrepreneur français installé au Sénégal depuis 16 ans maintenant. Cet avis est également partagé par Emmanuel Bocquet, de Green Tech Partner : « On a constaté une mutation de la consommation. Les magasins physiques ayant été à l’arrêt, les Sénégalais se sont tourné vers l’e-commerce encore plus massivement. Mais le souci, c’est qu’il suffit qu’un seul acteur ait été malveillant avec un client pour que tous les autres doutent de l’écosystème. Il faut donc beaucoup de résilience dans un système où la concurrence s’installe » , indique-t-il.
Un fonds d’investissement pour la diaspora
À l’instar de Bara Ndiaye, les entrepreneurs franco-sénégalais bénéficiaires des deux cultures sont nombreux à multiplier les allers-retours. Cela a conduit Dakar à mettre en place un fonds d’investissement spécialement dédié aux diaspora : le Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur. Une décision qui a été prise à la suite d’un constat partagé par tous et toutes. Selon les autorités sénégalaises, chaque membre de la diaspora enverrait 1 000 euros par an à ses proches. Cela représenterait près de deux milliards de dollars selon la Banque mondiale. La diaspora investit en masse dans les pays d’origine et exprime clairement sa volonté de s’impliquer davantage entre les deux rives. Selon Intelcia, 80% des cadres ou diplômés qui ont des origines africaines ou binationales envisageraient sérieusement de s’impliquer pour le développement des relations économiques entre la France et les pays africains d’où ils sont originaires. Et la combinaison entre l’investissement financier et l’échange de compétences est une aubaine d’opportunités autant pour la France, pour le continent africain que pour ses entrepreneur·e·s bénéficiant d’une double culture.
PAR
Rudy Casbi
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