The smiling killer. Le Prince du cash flow. The money maker. Vincent Bolloré, dont le nom est plus connu en Afrique que le visage, traine plus une réputation de raider que d’industriel. Dépeint comme un financier diabolique, il a été placé en garde à vue, mardi dernier, pour corruption. Mais, qui est-il réellement ?
En trente ans, Vincent Bolloré, est parvenu à faire du groupe qu’il dirige, un conglomérat international. Il est présent dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture (plantations d’huile de palme en Afrique, vin en France), du transport, de la logistique, du fret maritime, de la publicité (Havas) ou encore des médias (Direct Matin, institut de sondage CSA). Aujourd’hui, son groupe est présent dans 152 pays, emploie 66 000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 21,5 milliards d’euros (près de 15 000 milliards de francs Cfa). Et ses activités en Afrique représentent 80% des bénéfices du groupe. « Bollo », comme l’appellent les intimes, a réussi à placer son empire parmi les 20 premières entreprises européennes.
Si le groupe s’est implanté un peu partout dans le monde, l’Afrique semble être sa terre de prédilection. Le continent, qui représente officiellement un quart de son chiffre d’affaires, est un des piliers du groupe. Avec ses dix-neuf mille salariés, ses deux cents agences réparties dans quarante-trois pays et les installations qu’il y occupe, ports, transports, plantations, Bolloré entretient des relations plus ou moins douteuses avec certains chefs d’État. Son solide réseau d’amitiés et les médias qu’il y possède, lui servent de bras armé.
En l’espace de cinq années, il a raflé à travers ses différentes filiales, la gestion de plusieurs terminaux à conteneurs au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Ghana, au Nigeria et en République démocratique du Congo. Avec ses chemins de fer, ses milliers de mètres carrés de stockage, la gestion des ports assure à son groupe une redoutable ancrage en Afrique. Sous la marque Bolloré Africa Logistics, créée en septembre 2008, Bollo contrôle le « premier réseau intégré de logistique en Afrique ».
Mais, gagner le marché de la concession du Port de Dakar en 2007, ne fut pas lettre à la poste pour Bolloré, qui a dû utiliser tout son réseau d’influence. Outre l’intervention de Sarkozy, Alain Madelin et François Léotard, il a fait consacrer une émission spéciale à l’ancien Président sénégalais, Abdoulaye Wade sur la chaine D8. Résultat des courses : c’est finalement le géant des Emirats Arabes unis, Dubaï Ports World, qui l’emporte.
L’empire de Bolloré ne se limite pas uniquement aux concessions. Profitant de la vague de privatisation imposée par les institutions financières internationale (IFI), il obtient la concession d’infrastructures stratégiques héritées de l’époque coloniale, comme la Société internationale de transport africain, par rail (Sitarail), et Camrail. Le groupe possède aussi plusieurs sociétés de transport, de transit et d’import-export. La Société commerciale d’affrètement et de combustibles (Scac) sera fusionnée plus tard pour donner naissance à SDV, Logistique internationale et à SAGA.
En 2016, l’empire Bolloré semble quelque peu secoué avec la perquisition des locaux d’Africa Logistics dont le siège se trouve à Puteaux en France. Depuis plus de deux ans, l’enquête judiciaire française ouverte sur la société Pefaco, spécialisée dans l’hôtellerie et les jeux et très implantée en Afrique, a conduit chez Bolloré les policiers de l’Office de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Les enquêteurs s’interrogent sur l’implication d’Havas, son bras armé publicitaire, pour faciliter l’obtention de la gestion des ports de Conakry en Guinée et de Lomé au Togo. Ce que le groupe avait formellement démenti.
Aujourd’hui, l’affaire refait surface. Le milliardaire français vient d’être placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte notamment pour « corruption d’agents publics étrangers ». L’enquête porte sur les conditions d’obtention en 2010 de deux terminaux à conteneurs par le groupe Bolloré au Togo et en Guinée. Mais aussi, sur l’utilisation de la filiale de communication Havas pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains via des missions de conseil et de communication « sous-facturées ».
L’enquête pourrait s’entendre à d’autres pays en Afrique. Le début de la fin pour Bollo ?
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